Le Musée de Bank Al-Maghrib abrite jusqu’au 30 juin 2021 une rétrospective des œuvres de l’artiste Abbès Saladi, laquelle rassemble des collections rarissimes. Une exposition qui incarne les idées grandioses qui ont guidé la main de Saladi, un artiste touché par les grands spectacles de l’histoire et les hautes conceptions de la philosophie.
Abbès Saladi, Les quatres gisants de Marrakech, 1984, Encre et aquarelle sur papier, 50 x 36 cm, Collection particulière
Les œuvres de Saladi s’éloignent de la réalité et de ses sédiments et reflète les dilemmes, troubles, fissures du Maroc des années quatre-vingt. Elles dressent les contours d’un monde imaginaire insoupçonné. Des visages innocents dans un monde ancien, oublié. La métaphysique du Ciel et de l’Enfer est un acte ontologique fondateur pour l’artiste marocain. À une époque où l’art marocain était imprégné de concepts d’identité, d’héritage, d’ombre, de lumière et de littéralisme, Abbès Saladi est attaché à ses propres références artistiques dont il puise ses pensées, Des mondes enchanteurs, il en restitue certains dans ses tableaux, mais d’une manière qui les rend miraculeux. La plupart des artistes plasticiens marocains se sont appuyés sur des concepts philosophiques et patrimoniaux, des contextes historiques, des visions utopiques ou des enjeux politiques et sociaux, à l’exception d’Abbès Saladi, qui a raconté ses cauchemars et ses rêves avortés au seuil de l’existence.
Abbès Saladi, Sans titre, 1982, Encre et aquarelle sur papier, 45 x 37 cm, Collection particulière
Au sein de la grande exposition rétrospective, organisée par le «Musée de la Banque centrale du Maghreb» à Rabat jusqu’à fin juin, le public trouve des œuvres orphelines et rares, des enregistrements et des photos de l’artiste plasticien Abbès Saladi. Cette manifestation culturelle est une aubaine pour le spectateur, critique, chercheur et excavateur de l’expérience de Saladi n’ayant guère trouvé d’informations sur certaines peintures de cet artiste ou leurs titres originaux.
Abbès Saladi appartient à ce qui s’appelle dans la littérature historique le «phénomène artistique» qui envahit généralement l’art contemporain avec ses destins, ses normes, ses conditions, sa pensée et ses visions, sans s’appuyer sur les enseignements / connaissances académiques officiels, qui peuvent être dictés par certaines écoles, courants ou théories. L’art, dans le cas de Saladi, n’est pas un choix esthétique, mais plutôt un destin ontologique qui le soutient face à la maladie par la couleur, qui est un moyen de libération des mythologies de la réalité. Le vernissage organisé divise l’expérience de Saladi en plusieurs temporalités, caractérisées par des transformations esthétiques.
L’éclatante percée du Cadeau dans certaines ventes aux enchères internationales a donné à cette toile magique aux gaies couleurs une renommée internationale. Une peinture innocente et familiale restituant des rituels du mariage marocain avec des personnages exotiques. Ce tableau a été un événement majeur de la scène artistique arabe où Abbas Saladi démontre une incroyable imagination.
Les œuvres de cette exposition se distinguent par leur diversité, avec des influences artistiques qui proviennent principalement du patrimoine visuel populaire, des histoires et des contes folkloriques liés aux quartiers de Marrakech et à la réalité marocaine. Saladi présente le monde dans lequel il vit comme une réalité tangible qui diffère de l’étrange réalité commune. L’exotisme se mêle au fantasme, le matériel au spirituel et le réel à l’historique.
Savoir que l’œuvre où l’on a mis de son temps, de sa force et de sa pensée, de sa vie, en un mot, n’est pas une création ludique au spéculateur qui l’a achetée, mais a aussi pénétré les âmes assez pour que, trente ans plus tard, le public en ait emporté un souvenir et un réconfort ; sentir que la figure qu’on a créée n’est pas restée un objet inerte, mais a passé dans la vie même de la partie la plus humble de la nation ; — voilà qui valait toutes les gloires du monde pour Saladi, lequel a consciencieusement mis ses croyances à l’épreuve du doute. Il a regardé vers la négation de toutes ses certitudes, de toutes ses espérances et de toutes ses tendresses. Saladi a travaillé avec plus de force et avec le sourire de ceux très rares qui ont voulu voir de près d’autres mondes.